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Henri Michaux
« Un barbare en Asie », in « Œuvres complètes I »

« Un barbare en Asie », in « Œuvres complètes I »

Que ce soit à travers ses dessins ou sa prose, l’Asie aura été l’espace géographique qui aura le plus profondément marqué et influencé l’œuvre d’Henri Michaux. Il est encore en Équateur qu’il parle déjà dans ses lettres d’un futur voyage vers l’Extrême-Orient. Il part en 1931 depuis Marseille sur un paquebot faisant route vers le Raj britannique. Aucune déception en arrivant à Calcutta – à vrai dire, il aimait déjà l’Asie sans y avoir mis les pieds. Michaux adhère sans effort à l’ambiance de la métropole bengalie, prêt à sa dissolution dans la foule – une foule qui le fascine. Contrairement à Ecuador (in Œuvres complètes I, Bibliothèque de la Pléiade, 2009), le récit d’Un barbare en Asie s’évapore dans le temps (pas de dates) et dans la géographie (pas d’itinéraire) – juste les cinq pays et quelques villes traversés. Cette relation de voyage (mais est-ce bien cela ?) en devient quasiment intemporelle.Ensuite, ce fut la Chine. Une Chine en pleine tourmente avec la guerre sino-japonaise. Michaux ira de Canton à Pékin en évitant une Shanghai tout juste bombardée. Le temps passant, la Chine restera le climax du voyage de Michaux, l’étape du barbare en Asie qui aura le plus « parlé » au poète. Michaux ayant toujours été à la recherche d’une écriture à la lisibilité primitive, les Hànzi le fascineront comme ils ont pu fasciner Segalen avec ses Stèles ou encore Paul Claudel avec ses Éventails. L’analogie ténue entre les caractères chinois et les futures encres de Michaux sautent aux yeux. L’auteur s’en est expliqué dans l’un de ses rares entretiens avec Jean-Dominique Rey, Henri Michaux : rencontre, (Pagine d’Arte, 2013, catalogue) : « La peinture extrême-orientale est l’une des premières peintures qui compta pour moi, mais surtout parce que j’étais très ignorant. Par une sorte d’innocence, je n’avais aucune envie de connaître la peinture occidentale. Il m’a suffi de de voir l’air de la Chine pour avoir le coup de foudre. […] Dans l’écriture chinoise, lorsqu’il était fait usage de la plume à bec qui précéda le pinceau, n’importe qui pouvait comprendre les caractères en une seconde. J’ai toujours espéré trouver cette langue chez autrui, ou ailleurs, en Afrique par exemple, mais reconnaissons-le ce n’est jamais très clair ou cela reste conventionnel : homme, femme, montagne, ruisseau, rien de plus. C’est un espoir que je n’ai pas réalisé. Je reste néanmoins persuadé qu’il y a toujours quelque chose à faire dans ce sens. J’ai voulu indiquer des caractères qui aient un contenu psychique. »

Édition
Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 2009
Proposé en
janvier 2021