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Le Prix Jan Michalski de littérature 2025 est décerné à Guadalupe Nettel pour son ouvrage La hija única (Anagrama, 2020), traduit de l’espagnol (Mexique) en français par Joséphine de Wispelaere, sous le titre L’oiseau rare (Dalva, 2022).

Portrait L’oiseau rare
Portrait © Germán Nájera

Le jury a salué « un roman qui explore avec une intelligence bouleversante la maternité, hors des carcans sociaux imposés aux corps des femmes, et jusque dans ses confins, dessinant un territoire pluriel, aussi politique qu’émotionnel. Une ode délicate aux complexités des identités féminines, à leurs capacités de métamorphose et, au-delà, à la puissance des solidarités sororales, par une voix majeure de la littérature latino-américaine. »

Lauréat du Prix Jan Michalski 2025, le roman L’oiseau rare de l’écrivaine mexicaine Guadalupe Nettel entrecroise les chemins de vie accidentés de trois femmes pour penser la maternité loin des normes du contrat social ainsi que donner à lire de subtiles manières de faire famille.

La narratrice Laura et son amie de toujours Alina ont longtemps partagé une complice aversion pour les injonctions à la procréation et l’assujettissement des corps féminins, jusqu’à ce que l’une d’elle emprunte une voie divergente, déstabilisant leur relation. Alors que Laura affirme définitivement son choix de ne jamais porter d’enfants, Alina se bat pour accomplir son désir d’être mère. Au septième mois de grossesse, les médecins lui annoncent une sévère malformation cérébrale du bébé et lui enjoignent de s’engager dans un cruel deuil par anticipation. La petite fille à qui elle donne naissance déjoue néanmoins les pronostics scientifiques et se montre bien déterminée malgré ses handicaps à goûter à la vie, tout en chamboulant celle de ses parents et de leur entourage.

La traversée des drames aux côtés de son amie s’accompagne pour Laura de la rencontre avec sa voisine Doris et Nicolás, son fils de huit ans. Meurtri·es par la violence d’un homme dont le souvenir pesant continue d’instiller peur et douleur au sein de leur quotidien, la mère et l’enfant cohabitent dans l’hostilité. Doris sombre sous le poids de l’impuissance, et Laura est amenée à prendre soin du petit garçon pendant qu’en miroir se joue sur son balcon le ballet familial d’un couple de pigeons couvant un œuf qui ne leur appartient pas, puis élevant l’oisillon d’une autre espèce comme s’il était le leur.

Sous l’égide de cette image troublante du parasitisme de couvée, L’oiseau rare célèbre les enfants inattendu·es autant que leurs mères biologiques ou alternatives, évidentes ou inventées. Les fils narratifs entrelacés avec maestria tissent un espace ouvert aux vies différentes, de celles qui se jouent des coups du sort et défient l’ordre établi, médical comme patriarcal. Dans une prose économe, tout en émotions retenues, Guadalupe Nettel fait entendre la force des communautés solidaires face aux solitudes. En observatrice affûtée, sans moraliser ni simplifier, la romancière laisse les femmes se raconter, s’épauler et surtout choisir.

Lauréat·e

Guadalupe Nettel

Biographie

Née au Mexique en 1973, Guadalupe Nettel partage sa vie entre Mexico, Barcelone et Paris, où elle obtient en 2008 le titre de docteure en sciences du langage à l’École des hautes études en sciences sociales. À la tête d’une œuvre primée internationalement, elle explore par la fiction le rapport humain à l’étrangeté, à la maladie, à celles et ceux qui dérogent aux normes. Ses romans, parmi lesquels L’hôte (Actes Sud, 2006, traduit par Marianne Millon), Le corps où je suis née (Actes Sud, 2014, traduit par Delphine Valentin), Après l’hiver (Buchet-Chastel, 2016, traduit par François Martin) et L’oiseau rare (Dalva, 2022, traduit par Joséphine de Wispelaere), finaliste de l’International Booker Prize en 2023, sont traduits dans plus de vingt langues. Elle contribue à de nombreuses publications telles que Granta, La Repubblica, The White Review ou The New York Times, et dirige la revue culturelle Revista de la Universidad de México entre 2017 et 2024.

Sélections

Finalistes, Deuxième sélection, Première sélection.

Jury

Vera Michalski-Hoffmann, Présidente du jury

Éditrice née en 1954, Vera Michalski-Hoffmann a développé avec son époux Jan Michalski le groupe éditorial Libella, actif en Europe dans divers domaines, de la littérature aux arts. Depuis 1987, de nombreux·ses auteur·rices ont été publié·es en français, en polonais et en anglais dans différentes maisons d’édition parmi lesquelles Noir sur Blanc, Buchet-Chastel, Phébus ou Wydawnictwo Literackie. En 2004, Vera Michalski-Hoffmann crée la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature en mémoire de son mari afin de perpétuer leur engagement commun envers les acteur·ices de l’écrit, de soutenir la création littéraire et d’encourager la pratique de la lecture.

Jonathan Coe

Né en 1961 à Birmingham, Jonathan Coe est un romancier et biographe britannique. Après des études à la King Edward’s School puis au Trinity College, il obtient un doctorat en littérature anglaise et enseigne à l’Université de Warwick. Il acquiert une renommée internationale grâce à son quatrième roman, Testament à l’anglaise (Gallimard, 1995) pour lequel il remporte le Prix du Meilleur Livre étranger en 1996. La traduction française de son œuvre aux éditions Gallimard, plusieurs fois primée dans son pays d’origine, lui vaut le Prix Médicis étranger 1998 pour La maison du sommeil (1998) et le Prix du Livre européen 2019 pour Le cœur de l’Angleterre (2019). En 2004, il est décoré de l’Ordre des Arts et des Lettres de France. Son dernier roman, The Proof of my Innocence, paraît en 2024 aux éditions Viking.

Andrea Marcolongo

Écrivaine et journaliste italienne, Andrea Marcolongo est née en 1987 à Crema. Helléniste et diplômée de Lettres classiques de l’Università degli Studi de Milan, elle est à l’origine de plusieurs ouvrages à succès tels que La part du héros (Belles Lettres, 2019), Étymologies pour survivre au chaos (Belles Lettres, 2020) et Déplacer la lune de son orbite (Stock, 2023). Ses livres sont traduits dans près de trente pays. Elle est également membre du jury du Prix du Grand Continent et collabore avec des journaux italiens et étrangers, dont La Stampa et Le Figaro. Publié en 2024, son essai Courir (Gallimard) remporte la même année le Prix Jules Rimet.

Gonçalo M. Tavares

Né en 1970 à Luanda en Angola, Gonçalo M. Tavares est un écrivain portugais et professeur d’épistémologie à l’Université de Lisbonne. Il poursuit une foisonnante carrière littéraire depuis 2001, publiant nombre de romans, recueils de poésie, pièces de théâtre, contes, essais et autres ouvrages inclassables. Traduite en cinquante langues, son œuvre l’impose comme l’une des voix majeures des lettres lusophones. Il remporte de prestigieuses récompenses nationales et internationales, dont le Prix José Saramago pour Jérusalem (Viviane Hamy, 2008) en 2005 et le Prix du Meilleur Livre étranger pour Apprendre à prier à l’ère de la technique (Viviane Hamy, 2010) en 2010. Paraissent en français Journal de la Peste (Bouquins) et Mythologies (Viviane Hamy) en 2022, et L’os du milieu (Viviane Hamy) en 2024.

Sjón

Né à Reykjavic en 1962, Sjón (Sigurjón Birgir Sigurðsson) et un écrivain islandais, poète, artiste, scénariste et parolier, notamment de la chanteuse Björk. Récompensée par le Prix de la littérature nordique en 2005 et le Prix de littérature islandaise en 2013, son œuvre romanesque, traduite en trente-cinq langues, compte en français Le moindre des mondes (Rivages, 2007), De tes yeux, tu me vis (Rivages, 2011), Le garçon qui n’existait pas (Rivages, 2016), ou encore Blond comme les blés (Métailié, 2022). Sa collaboration à l’écriture des chansons du film Dancer in the Dark de Lars von Trier lui vaut une nomination à l’Oscar de la Meilleure Chanson originale en 2001. Il a récemment coécrit le scénario du film The Northman (2022) de Robert Eggers, inspiré des sagas islandaises. Il est également président du centre PEN islandais.

Scholastique Mukasonga

Autrice, nouvelliste et romancière, Scholastique Mukasonga est née en 1956 au Rwanda. Face aux persécutions subies par les Tutsis, elle est contrainte de s’exiler au Burundi avant de s’établir en France en 1993. L’écriture de son premier roman, Inyenzi ou les cafards (Gallimard, 2004), fait suite au drame du génocide des Tutsis de 1994 dans lequel sont tués trente-sept membres de sa famille. Aujourd’hui son œuvre est constituée de onze romans et recueils de nouvelles publiés aux éditions Gallimard et traduits dans plus d’une vingtaine de langues. Elle remporte de nombreux prix tant en France qu’à l’international : parmi ceux-ci, le Prix Renaudot pour Notre-Dame du Nil en 2012 et le Prix Simone de Beauvoir. Deux de ses ouvrages, La femme aux pieds nus (2008) et Kibogo est monté au ciel (2020) figurent sur la short list du National Book Award. En 2013, elle est faite Chevalier des Arts et des Lettres. Son dernier roman, Julienne paraît en 2024 et remporte le Prix de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer.

Nicolas Grospierre

Artiste visuel et photographe franco-polonais né en 1975 à Genève, Nicolas Grospierre se consacre entièrement à sa pratique artistique après des études à l’Institut d’études politiques de Paris et à la London School of Economics. Aujourd’hui établi en Pologne, il accorde dans son travail une place centrale à l’architecture moderne, qu’il fait dialoguer avec la thématique de la mémoire collective ou encore celle de l’anthropocène. À travers des hybridations de médiums, il crée notamment des installations photographiques où il implémente des jeux de miroirs et de lumière. En 2008, il reçoit le Lion d’Or de la Biennale d’architecture de Venise. Ses œuvres sont exposées dans de nombreux musées à travers l’Europe et les Amériques.