Antonio Porchia
Voix
C’est d’une bien étrange façon qu’Antonio Porchia (1885-1968) se fit connaître en Argentine et, par la suite, dans le monde entier. Au milieu des années 40, n’arrivant pas écouler ses mille exemplaires de Voces (Voix), Porchia décida d’en faire don à une fondation artistique. Cependant, les amphitryon·nes ne tardèrent pas à se plaindre de la place que ces livres occupait dans leur local.Ils et elles décidèrent alors de les distribuer dans le réseau national des bibliothèques populaires. Le calabrais d’origine se retrouva ainsi sur toutes les lèvres du pays et tombera entre les mains de Roger Caillois – alors en exil à Buenos Aires. Directeur des Lettres françaises, Roger Caillois sera le premier à le traduire et à le faire connaître dans le monde francophone. Dans sa première mouture, Voix est un recueil composé de près de 500 aphorismes (ou sentences) assez proches des haïkus. Les années passant, Porchia en rajoutera d’autres centaines mais le titre du recueil ne changera pas. Voici les premières Voix :
1. Situado en alguna nebulosa lejana hago lo que hago, para que el universal equilibrio de que soy parte no pierda el equilibrio.Situé en quelque nébuleuse lointaine, je fais ce que je fais, pour que l’équilibre universel dont je fais partie ne perde pas l’équilibre.
2. Quien ha visto vaciarse todo, casi sabe de qué se llena todo.Qui a vu tout se vider, sait presque de quoi tout se remplit.
3. Antes de recorrer mi camino yo era mi camino.Avant de parcourir mon chemin j’étais mon chemin.
4. Mi primer mundo lo hallé todo en mi escaso pan.Mon premier monde je l’ai trouvé tout entier dans mon maigre pain.
5. Mi padre, al irse, regaló medio siglo a mi niñez.Mon père, en s’en allant, fit don d’un demi-siècle à mon enfance.
6. Las pequeñeces son lo eterno, y lo demàs, todo lo démas, lo breve, lo muy breve.Les petites choses sont l’éternel, et le reste, le bref, le très bref.
7. Sin esa tonta vanidad que es el mostrarnos y que es de todos y de todo, no veríamos nada y no existiría nada.Sans cette sotte vanité qui nous fait nous montrer et qui est de tous et tout, nous ne verrions rien et rien n’existerait.
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