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Le Prix Jan Michalski de littérature 2020 est décerné à Mia Couto pour sa trilogie As areias do imperador.

Portrait Les sables de l’empereur
Portrait © D.R

Le Prix Jan Michalski de littérature 2020 est décerné à Mia Couto pour sa trilogie As areias do imperador (Editorial Caminho, 2015-2017), traduite du portugais (Mozambique) en français par Elisabeth Monteiro Rodrigues, sous le titre Les sables de l’empereur (Éditions Métailié, 2020).

Le jury a salué « l’exceptionnelle qualité de l’écriture, mêlant subtilement oralité et narration, lettres, récits, fables, rêves et croyances, au cœur d’une réalité historique, le Mozambique à la fin du XIXe siècle aux prises avec la colonisation portugaise. Sans aucun manichéisme, l’auteur excelle à camper avec empathie des protagonistes confrontés à l’inhumanité de la guerre en leur offrant un souffle épique porté par la riche nature africaine. »

Le Prix, remis par la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature à Montricher, en Suisse, se déroule en ligne cette année.

Lauréat·e

Aujourd’hui Prix Jan Michalski 2020, Les sables de l’empereur de Mia Couto, récit initialement publié en trois tomes réunis en un volume pour l’édition en français, nous plonge dans le Mozambique de la fin du XIXe siècle, alors ravagé par les guerres qui opposent clans et colons. L’empereur Ngungunyane notamment, à la tête du royaume de Gaza au sud du pays, résiste longtemps aux ambitions de la Couronne portugaise, avant d’être défait, déporté à Lisbonne où il est exhibé avec sa cour comme un trophée, puis exilé aux Açores. Au fil des trois parties de l’œuvre – Femmes de cendre, L’épée et la sagaie et Le buveur d’horizons –, Mia Couto narre autant qu’il questionne cette réalité historique par la voix croisée de deux personnages fictionnels : Imani Nsambe, une jeune Mozambicaine éduquée par des missionnaires portugais, et celui pour qui elle doit travailler en tant qu’interprète et à qui elle sera liée par un amour impossible, le sergent Germano de Melo. Ce dernier, envoyé en Afrique par la monarchie portugaise en raison de son idéologie républicaine, affiche sa distance avec sa hiérarchie. Leurs expériences se complètent ; si Germano s’applique à décrire dans ses lettres les conflits se déroulant sous ses yeux et ses difficultés à intégrer les valeurs du colonialisme, Imani, quant à elle, porte les déchirures d’être entre plusieurs mondes, entre plusieurs langues, avec comme seule alliée la mémoire des légendes africaines. Sa maîtrise parfaite de la langue des colons la laisse en marge de la communauté noire, ses origines l’éloignent des occupants, dans une destinée où pourtant, traductrice puis espionne captive, elle crée des ponts entre Portugal et royaume de Ngungunyane.

Flamboyante et douloureuse, l’épopée d’Imani et de Germano sera faite d’exils successifs, de tentatives de rapprochement et d’incompréhensions, de doutes et de violences, concentrant tout ce que peut produire le choc de la colonisation, avec cette particularité d’être raconté sur un mode polyphonique. Ces personnages aux identités plurielles, âmes éclatées, nous offrent alors par leur regard fragmenté de multiples perspectives sur l’histoire afin de mieux la comprendre.

Ainsi Les sables de l’empereur, à la fois fresque historique et conte envoûtant, puissant portrait de femme, histoire d’amour et d’humanité, réussit à faire se rencontrer l’ailleurs et l’ici. Avec une langue inventive, renouvelée par les territoires est-africains, irriguée d’une poésie singulière, Mia Couto interroge les croyances, mélange les mondes et floute les frontières dans une méditation universelle sur l’altérité.

Lauréat du Prix Jan Michalski 2020, Mia Couto reçoit une récompense de CHF 50’000.- ainsi qu’une œuvre d’art choisie à son intention : une paire de sculptures uniques de l’artiste nigérian Alimi Adewale, Sans titre, 2019, en bois azobé, hauteur 47 cm.

Biographie

Né de parents portugais au Mozambique en 1955, l’écrivain et biologiste Mia Couto grandit à Beira, puis déménage dans la ville de Maputo. Il entame des études de médecine qu’il interrompt pour s’engager aux côtés du Frelimo (Front de libération du Mozambique) en faveur de l’indépendance du Mozambique qui intervient en 1975. Il devient ensuite journaliste, notamment pour Tempo et Noticias, avant de poursuivre une carrière de biologiste, spécialiste des zones côtières, en parallèle de son travail d’écriture. Il enseigne également l’écologie à l’Université de Maputo.

À travers un ensemble de contes, de chroniques, de poésie, de nouvelles et de romans, Mia Couto déploie une œuvre littéraire magistrale, à la fois érudite et populaire, drôle et tragique, universelle et enracinée dans son Mozambique natal. De Terre somnambule (Albin Michel, 1994) sur fond de guerre civile à la trilogie Les sables de l’empereur (Métailié, 2020), en passant par La véranda du frangipanier (Albin Michel, 2000), Tombe, tombe au fond de l’eau (Chandeigne, 2005), Et si Obama était africain (Chandeigne, 2010) ou encore L’accordeur des silences (Métailié, 2011, Prix de la francophonie 2012), l’auteur entremêle les oralités, les légendes et croyances africaines à la violence de l’histoire de son pays ainsi qu’au questionnement des racines.

Traduits dans plus de trente langues, ses textes ont reçu de nombreuses récompenses, dont le Prix Camões 2013 et le Prix Neustadt 2014 pour l’ensemble de son œuvre. Mia Couto est aujourd’hui considéré, tant par la critique que par ses pairs, comme l’un des écrivains africains les plus importants et l’une des voix lusophones les plus marquantes.

Sélections

Finalistes, Deuxième sélection, Première sélection.
Les sables de l’empereur
Mia Couto
Les sables de l’empereur
Traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues
Métailié, Paris, 2020

Proposé par Vera Michalski-Hoffmann


Oreo
Fran Ross
Oreo
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Séverine Weiss
Post-éditions, Paris, 2014

Proposé par Siri Hustvedt


Retour à Lemberg
Philippe Sands
Retour à Lemberg
Traduit de l’anglais par Astrid Von Busekist
Albin Michel, Paris, 2017

Proposé par Andreï Kourkov


Les sables de l’empereur
Mia Couto
Les sables de l’empereur
Traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues
Métailié, Paris, 2020

Proposé par Vera Michalski-Hoffmann


Oreo
Fran Ross
Oreo
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Séverine Weiss
Post-éditions, Paris, 2014

Proposé par Siri Hustvedt


Retour à Lemberg
Philippe Sands
Retour à Lemberg
Traduit de l’anglais par Astrid Von Busekist
Albin Michel, Paris, 2017

Proposé par Andreï Kourkov


Briser en nous la mer gelée
Erik Orsenna
Briser en nous la mer gelée
Gallimard, Paris, 2020

Proposé par Benoît Duteurtre


Vies conjugales
Bernard Quiriny
Vies conjugales
Rivages, Paris, 2019

Proposé par Benoît Duteurtre


Les sables de l’empereur
Mia Couto
Les sables de l’empereur
Traduit du portugais (Mozambique) par Elisabeth Monteiro Rodrigues
Métailié, Paris, 2020

Proposé par Vera Michalski-Hoffmann


Oreo
Fran Ross
Oreo
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Séverine Weiss
Post-éditions, Paris, 2014

Proposé par Siri Hustvedt


An einem klaren, eiskalten Januarmorgen zu Beginn des 21. Jahrhunderts
Roland Schimmelpfennig
An einem klaren, eiskalten Januarmorgen zu Beginn des 21. Jahrhunderts
S. Fischer Verlag, Frankfurt am Main, 2016

Proposé par Alicia Giménez Bartlett


Arv og miljø
Vigdis Hjorth
Arv og miljø
Cappelen Damm, Oslo, 2016

Proposé par Alicia Giménez Bartlett


Briser en nous la mer gelée
Erik Orsenna
Briser en nous la mer gelée
Gallimard, Paris, 2020

Proposé par Benoît Duteurtre


Cieśniny
Wojciech Nowicki
Cieśniny
Wydawnictwo Czarne, Wołowiec, 2019

Proposé par Tomasz Różycki


Croire aux fauves
Nastassja Martin
Croire aux fauves
Verticales, Paris, 2019

Proposé par Vera Michalski-Hoffmann


Kochankowie Justycji
Jurij Andruchowycz
Kochankowie Justycji
Wydawnictwo Warstwy, Wroclaw, 2019

Proposé par Tomasz Różycki


L’ordre étrange des choses : la vie, les sentiments et la fabrique de la culture
Antonio Damasio
L’ordre étrange des choses : la vie, les sentiments et la fabrique de la culture
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Clément Nau
Odile Jacob, Paris, 2017

Proposé par Siri Hustvedt


La légèreté
Catherine Meurisse
La légèreté
Dargaud, Paris, 2016

Proposé par Jul (Julien Berjeaut)


La limite de l’oubli
Sergueï Lebedev
La limite de l’oubli
Traduit du russe par Luba Jurgenson
Verdier, Lagrasse, 2014

Proposé par Carsten Jensen


Le jour d’avant
Sorj Chalandon
Le jour d’avant
Grasset, Paris, 2017

Proposé par Andreï Kourkov


Le sympathisant
Viet Thanh Nguyen
Le sympathisant
Traduit de l’anglais par Clément Baude
Belfond, Paris, 2017

Proposé par Carsten Jensen


Les enfants du 209 rue Saint-Maur Paris Xe
Ruth Zylberman
Les enfants du 209 rue Saint-Maur Paris Xe
Seuil, Paris, 2020

Proposé par Jul (Julien Berjeaut)


Retour à Lemberg
Philippe Sands
Retour à Lemberg
Traduit de l’anglais par Astrid Von Busekist
Albin Michel, Paris, 2017

Proposé par Andreï Kourkov


Vies conjugales
Bernard Quiriny
Vies conjugales
Rivages, Paris, 2019

Proposé par Benoît Duteurtre


Jury

Vera Michalski-Hoffmann, Présidente du jury

Éditrice née en 1954, Vera Michalski-Hoffmann s’est investie pour promouvoir la littérature en créant le groupe éditorial Libella avec son époux Jan Michalski. Depuis 1987, de nombreux auteurs ont été publiés en français, en polonais et en anglais dans différentes maisons d’édition parmi lesquelles Noir sur Blanc, Buchet-Chastel, Phébus, Wydawnictwo Literackie ou World Editions. En 2004, Vera Michalski-Hoffmann crée la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature en mémoire de son mari afin de perpétuer leur engagement commun envers les acteurs de l’écrit, de soutenir la création littéraire et d’encourager la pratique de la lecture.

Jul (Julien Berjeaut)

Né en 1974, Julien Berjeaut, dit Jul, est un dessinateur de presse et auteur de bande dessinée français. Agrégé d’histoire, il enseigne l’histoire chinoise avant de se consacrer au dessin. Il collabore à de nombreux journaux, tels Le Point, Lire, L’Humanité, Philosophie Magazine, L’Écho des savanes, Fluide glacial, Charlie Hebdo, Le Nouvel Observateur, Marianne, Libération, Le Monde… En 2005, il se lance dans la bande dessinée avec l’album à succès Il faut tuer José Bové, où il raille les altermondialistes. En 2012, la série BD Silex and the City est adaptée en série d’animation sur Arte. Il participe comme dessinateur à des émissions télévisées (Le Grand Journal sur Canal+, La Grande Librairie sur France 5, 28 minutes sur Arte). En 2018, Arte diffuse 50 nuances de Grecs, inspirée de son album du même nom. Scénariste de Lucky Luke depuis 2016, Jul fait paraître en 2020 Un cow-boy dans le coton, qui aborde l’histoire de l’esclavage aux États-Unis.

Benoît Duteurtre

Né en Normandie en 1960, Benoît Duteurtre est à la fois romancier, essayiste et critique musical. Licencié en musicologie, il publie en 1985 son premier roman, Sommeil perdu. En 1997, Drôle de temps obtient le Prix de la nouvelle de l’Académie française et Le voyage en France le Prix Médicis 2001. La petite fille et la cigarette (2005) est traduit dans une vingtaine de langues et adapté au théâtre. À partir de 2006, il participe à de la revue littéraire L’Atelier du roman aux côtés de Milan Kundera et Michel Houellebecq. Après Livre pour adultes (2016), paraît En marche ! Conte philosophique en 2018. Son dernier récit, Les dents de la maire : souffrances d’un piéton de Paris (2020), s’apparente à un essai politique tragi-comique, autour de la figure d’Anne Hidalgo. Auteur d’émissions musicales sur France 3, France 5 et France Musique, il collabore à l’hebdomadaire Marianne, au Figaro littéraire et au Monde de la musique.

Alicia Giménez Bartlett

Née à Almansa, en Espagne, en 1951, Alicia Giménez Bartlett suit un doctorat en philologie à l’Université de Barcelone, puis s’engage dans l’écriture en 1984 avec un premier roman, Exit. Son oeuvre compte des fictions et des essais, parmi lesquels Una habitación ajena, relatant les relations tendues entre Virginia Woolf et sa servante (Prix Femenino Lumen, 1997), Donde nadie te encuentre (Prix Nadal, 2011) et Hombres desnudos (Prix Planeta, 2015). C’est avec le personnage de l’inspectrice Petra Delicado qu’elle est devenue l’une des auteurs policiers espagnols les plus lus. Traduite en seize langues et adaptée à la télévision, la série a reçu le prestigieux Prix Raymond Chandler en 2008.

Siri Hustvedt

Née en 1955 dans le Minnesota de parents d’origine norvégienne, Siri Hustvedt est une écrivaine, poétesse et essayiste américaine, également spécialisée dans les études psychiatriques. Après un doctorat en littérature anglaise à l’Université Columbia, elle publie son premier roman Les yeux bandés, en 1992. Suivent notamment les romans Tout ce que j’aimais (2003), Un été sans les hommes (2011), Un monde flamboyant (2014), qui connaissent un succès international. En 2010, son premier essai, La femme qui tremble. Une histoire de mes nerfs, enquête sur les troubles psychiatriques, tissant des liens entre sciences humaines et neurosciences. Depuis 2015, Siri Hustvedt est chargée de cours en psychiatrie à la faculté de médecine de l’Université Cornell. En 2012, elle reçoit le Prix international Gabarron pour la réflexion et les sciences humaines. En 2019, elle est récompensée par le Prix Princesse des Asturies pour l’ensemble de son œuvre et par le Prix européen de l’essai Charles Veillon pour Les mirages de la certitude. Essai sur la problématique corps/esprit (2018). Ses ouvrages sont traduits dans plus de trente langues. 

Carsten Jensen

Né en 1952 à Marstal au Danemark, Carsten Jensen est écrivain et journaliste. Après une maîtrise ès-lettres de l’Université de Copenhague, il collabore au quotidien Politiken, puis à divers autres titres de la presse danoise. En 1997, il reçoit le Laurier d’or des libraires danois pour son récit de voyage Jeg har set verden begynde. À partir de 2001, il enseigne à la faculté des lettres de l’Université d’Odense. Son premier roman, Nous, les noyés, connaît un large succès critique et public en 2010, et lui vaut le prestigieux Danske Banks Litteraturpris ainsi que le Prix Gens de mer au festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. En 2010, Carsten Jensen est lauréat du Prix Olof Palme. En 2017 est publié son monumental roman La première pierre sur l’engagement d’un groupe de militaires danois en Afghanistan. Son œuvre est traduite dans une vingtaine de pays. 

Andreï Kourkov

Né en 1961, à Saint-Pétersbourg, en ex-URSS, Andreï Kourkov est un écrivain ukrainien de langue russe. Diplômé de l’Institut des langues étrangères de Kiev, il effectue son service militaire comme gardien de prison à Odessa, durant lequel il écrit ses premiers récits. Journaliste, scénariste pour la télévision et le cinéma, ce polyglotte – qui parle sept langues couramment –a remporté un succès international avec Le pingouin (2000), qui met en scène l’absurdité du régime communiste. Ont suivi notamment Le caméléon (2001), L’ami du défunt (2002), Le dernier amour du président (2005), Laitier de nuit (2010), Le concert posthume de Jimi Hendrix (2015). En 2014, lors de la révolution ukrainienne, il partage le quotidien des manifestants de Maïdan, à Kiev. De cette expérience naît Journal de Maïdan (2014). Dans son dernier roman, Vilnius, Paris, Londres, publié en 2018, Andreï Kourkov nous fait voyager à travers l’Europe. Son oeuvre est traduite en près de quarante langues. Il est également président du Pen club d’Ukraine.

Tomasz Różycki

Né en 1970 en Pologne, Tomasz Różycki est poète, essayiste et traducteur. Après des études en philologie romane à l’Université de Jagellone (Cracovie), il enseigne au collège de formation des maîtres de langues étrangères d’Opole. Son œuvre, publiée en France, Allemagne, Italie, Slovaquie et aux États-Unis, est emblématique d’une génération prise dans les fluctuations géopolitiques. Son long poème Dwanaście stacji (Les douze stations) reçoit le Prix de la Fondation Kościelski en 2004 et est nommé pour le Prix Nike 2005. Sont parus en français Les colonies (2006) et Bestiarium (2018). Traducteur de Mallarmé, Rimbaud et Segalen, il écrit aussi dans de nombreuses revues, en Pologne (Czas Kultury, Odra) et à l’étranger (Pen America).

Nota Bene : les dates de publication indiquées entre parenthèses sont celles de la parution ou de la traduction en français.